Ouverture de la saison de pêche au thon rouge de l'Atlantique Est sur fond d'inquiétudes sur la gestion récente des stocks
Pour favoriser la reconstitution et la durabilité des stocks sur le long terme, les quotas doivent être définis sur la base des recommandations des scientifiques
Pour assurer la viabilité à long terme des populations de thon rouge de l'Atlantique, il est essentiel qu'elles soient gérées en fonction des avis scientifiques.
© Richard Hermann
Cela coule de source. Ignorez les recommandations des scientifiques, fixez des quotas de pêche trop élevés et laissez faire la pêche illicite, et vous verrez les stocks de poissons s'effondrer. À l'opposé, fixez un quota de pêche en adéquation avec les avis scientifiques tout en luttant contre la pêche illicite, et vous verrez les stocks se reconstituer. C'est toute l'histoire de l'emblématique thon rouge de l'Atlantique Est et de la Méditerranée. La saison de la pêche au thon rouge de l'Atlantique Est ayant commencé, il est temps de faire le point sur la manière dont il est géré actuellement.
Tandis que les stocks se reconstituent, la pression augmente
En 2010, après que des décennies de gestion inadéquate ont entraîné l'épuisement des stocks de thon rouge de l'Atlantique Est, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) a commencé à fixer les quotas de pêche en fonction des avis scientifiques. Sans surprise, les stocks ont commencé à se reconstituer. Or, on a commencé à assister à un revirement de situation à la suite de pressions exercées sur la CICTA par certaines factions souhaitant un assouplissement des règles de gestion et une hausse des quotas au-dessus des niveaux préconisés par les scientifiques et ce, avant même que les stocks ne se soient pleinement reconstitués.
Et cette pression s'est avérée efficace jusqu'à présent. En 2014, la CICTA a accepté d'augmenter les quotas de 70 %, soit la limite supérieure préconisée par les scientifiques, jusqu'en 2017. Puis, en 2016, la Commission a accepté une nouvelle hausse des quotas pour 2017, hausse qui entraîne de nouveau un dépassement des niveaux recommandés par les scientifiques.
Lors de la réunion de la CICTA de novembre prochain, une renégociation des quotas est prévue sur la base d'une nouvelle évaluation des stocks, qui devrait être terminée d'ici fin juillet. Même si cette évaluation fournira un portrait actualisé de l'état des stocks, elle comportera certainement un degré d'incertitude non négligeable. La question cruciale qui se pose actuellement est de savoir si les gestionnaires de la pêche au thon rouge reviendront à une approche de gestion plus prudente, fondée sur la science, celle-là même qui a permis aux stocks de thons rouges de se reconstituer, ou s'ils céderont aux pressions exercées par ceux qui souhaitent une hausse des quotas malgré les incertitudes quant aux résultats des évaluations sans laisser aux scientifiques le temps d'évaluer l'impact des hausses de quotas rapides et importantes de ces trois dernières années.
La ligne de conduite que les gestionnaires de la pêche et les représentants du secteur vont adopter durant la saison de la pêche au thon rouge de l'Atlantique Est, qui a débuté le 26 mai, nous donnera une bonne indication de la tournure que prendront les choses lors de la réunion de la CICTA cette année. La saison de pêche, qui dure habituellement un mois, sera probablement très courte pour certains pays, probablement de quelques jours seulement, parce que de nombreux bateaux senneurs déploient leurs filets sur de grands bancs de thon rouge dès l'ouverture de la saison de pêche, ce qui leur permet d'atteindre rapidement leur plafond de prises autorisé. Si l'on se fie aux années précédentes, nul doute que certains acteurs du secteur affirmeront que les stocks se sont complètement reconstitués et demanderont une nouvelle hausse des quotas compte tenu de cette « reprise ». Toutefois, étant donné que seuls les scientifiques de la CICTA sont à même de confirmer une reprise en fonction de l'évaluation des stocks qui se terminera fin juillet, toute demande de hausse des limites de capture qui interviendrait avant serait prématurée.
Une gestion de la pêche fondée sur la science est essentielle pour assurer la reconstitution des stocks de thon rouge
Comme il est plus que probable que les négociations sur les quotas seront hautement tendues et politisées cette année, il est essentiel que les scientifiques fournissent des conseils clairs, suffisamment détaillés et prudents en matière de gestion afin de protéger la reconstitution des stocks de thon rouge de l'Atlantique Est sur le long terme. Par la suite, il faudra que les gestionnaires suivent les conseils des scientifiques et résistent aux pressions qui seront exercées pour augmenter les quotas à un niveau qui se traduira par un nouveau risque de déclin des populations.
Tandis que la saison de pêche 2017 arrive à son apogée, les parties formant la CICTA feraient bien d'écouter Karmenu Vella, le Commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, qui en 2015 avait déclaré : « La bonne gestion et la durabilité rapportent. Nous devons poursuivre sur cette voie. »
Une gestion prudente et fondée sur la science est non seulement importante pour la reconstitution des stocks, mais également essentielle à leur protection sur le long terme. Cette approche doit être la règle et non l'exception.
Amanda Nickson est responsable de la préservation du thon au niveau mondial pour The Pew Charitable Trusts.
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