© Richard Hermann
La pêche thonière dans l'océan Atlantique représente des sommes d'argent considérables. La pêche concerne principalement cinq espèces commerciales, représentant plus de 1,1 milliard de dollars à quai et plus de 4,5 milliards de dollars en point de vente final. Les membres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT, International Commission for the Conservation of Atlantic Tunas) examineront les étapes essentielles à une amélioration de la gestion de ces pêches lors de leur rencontre à Vilamoura (Portugal) du 14 au 21 novembre.
Fin octobre, l'ICCAT a commandé à une entité indépendante une évaluation de ses performances qui a permis à ses membres de recevoir des conseils utiles. Cette analyse fait suite à une première évaluation très critique en 2008. Bien que la nouvelle analyse sous-entende que la gestion de l'ICCAT s'est améliorée, particulièrement en ce qui concerne le thon rouge de l'Est, elle met en évidence une nouvelle source d'inquiétude : la gestion du thon obèse. Globalement, l'évaluation insiste sur la nécessité de mettre au point des stratégies pérennes pour garantir la durabilité de tous les stocks prioritaires.
L'évaluation révèle l'urgence de la situation du thon obèse de l'Atlantique. Elle conclut que le plan de reconstitution des stocks actuel de l'ICCAT ne permettra pas d'atteindre les objectifs de la Convention, car la probabilité de la reconstitution des stocks à 10 ans est inférieure à 50 %. Pour mettre fin à la surpêche et permettre la reconstitution des stocks de thon obèse aujourd'hui épuisés, l'ICCAT doit suivre la recommandation de l'évaluation et faire du thon obèse une « priorité de gestion majeure et immédiate ». Lors de leur réunion annuelle, les membres devraient adopter des mesures pour réduire les captures totales, notamment les captures de juvéniles.
L'évaluation souligne à juste titre la nécessité de développer une approche de gestion nouvelle et moderne – ce que l'on appelle une stratégie de pêche – pour veiller à la reconstitution totale des stocks, comme ceux de thon rouge de l'Est, et assurer la rentabilité, la stabilité et la durabilité des pêcheries sur le long terme. Elle exhorte également l'ICCAT à mettre en place une approche de précaution de gestion de la pêche, surtout lorsque les données scientifiques sur ces questions sont encore incertaines. Elle émet également des doutes quant à la probabilité actuelle de voir les stocks de l'ICCAT se reconstituer et remonter à des niveaux sains.
Les populations de thonidés sont une responsabilité fondamentale de l'ICCAT, mais les politiques de la Commission ont aussi un impact considérable sur les requins et les autres espèces de ces zones de pêche. Chaque année, de par le monde, la pêche commerciale tue quelque 100 millions de requins, un chiffre qui va à l'encontre d'une pêche durable. On sait, par exemple, que le requin bleu, est pêché à grande échelle dans toute la zone surveillée par l'ICCAT. On ne dispose toutefois que de peu de données sur ces populations. Les évaluations des stocks souffrent donc d'un fort degré d'incertitude. En outre, le requin mako, qui se reproduit lentement et est très prisé des pêcheurs, est une espèce particulièrement vulnérable à la pêche.
Comme le souligne l'évaluation des performances, l'ICCAT doit veiller à mieux respecter l'approche de précaution et faire de l'imposition de limites de captures pour les requins une priorité, même en l'absence de données exhaustives. Étant donné la vulnérabilité biologique de l'espèce, il est urgent de suivre cette recommandation si l'ICCAT veut jouer pleinement son rôle de gardien des espèces de requins migratoires de l'Atlantique. Et ceci dès cette année, avec l'imposition de limites de capture strictes pour le requin bleu et le requin mako capturés dans des zones de pêche non réglementées au sein de la zone de la Convention de l'ICCAT.
L'ICCAT a pour mission fondamentale de déterminer des limites de capture responsables, mais celles-ci ne sauraient être appliquées sans le déploiement d'efforts réels pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Cette année, l'ICCAT a la chance de renforcer deux systèmes qui améliorent la transparence et la responsabilisation de tous ses membres.
Les systèmes de surveillance des navires (VMS) et les numéros OMI de l'Organisation maritime internationale peuvent aider l'ICCAT à suivre les navires de pêche autorisés et à déterminer s'ils respectent les mesures fixées par la Commission. Cette année, l'ICCAT doit prendre des mesures pour améliorer son système VMS en intensifiant la centralisation des données. Elle devrait également tout mettre en œuvre pour faire respecter l'exigence stipulant que tous les navires autorisés à pêcher dans les eaux de la Commission doivent porter des numéros OMI uniques et permanents. Ces deux mesures permettront de mieux lutter contre les activités INN.
Cette évaluation des performances a permis aux décisionnaires de l'ICCAT de prendre conscience de ce qui devait être fait. Il leur appartient désormais de mettre en place des mesures pertinentes afin d'assurer la pérennité et la durabilité de ces pêches extrêmement rentables.
Amanda Nickson dirige l'unité de conservation mondiale du thon de The Pew Charitable Trusts, Luke Warwick est à la tête de la campagne internationale de conservation du requin de The Pew Charitable Trusts et Tony Long dirige le projet de lutte contre la pêche illicite de The Pew Charitable Trusts.