Le Tribunal international du droit de la mer étend le champ de la responsabilité des États face à la pêche illégale
La décision rendue rappelle l'obligation faite aux gouvernements de s'assurer que les navires battant pavillons de leur pays respectent la loi.
Des capitaines de navires s'étant livrés à des activités de pêche illicite loin de leurs eaux nationales ont déjà dû faire face à des poursuites, mais les répercussions légales sur les pays d'enregistrement de leurs navires restent rares.
Un nouvel avis consultatif devrait modifier la donne. Le 2 avril dernier, le Tribunal international du droit de la mer a rendu une décision indiquant que les pays d'immatriculation des navires, ou États du pavillon, doivent prendre les "mesures nécessaires" pour s'assurer que ces derniers ne s'engagent dans aucune opération de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) en eaux étrangères.
Cet avis consultatif, basé sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, fait suite à une requête de la Commission sous-régionale des pêches (CSRP) d'Afrique de l'Ouest, qui regroupe le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone, pays d'une région qui est souvent la cible d'activités de pêche illicite.
Bien que la responsabilité légale des États du pavillon ait déjà été reconnue par le passé, les experts internationaux se félicitent de cet avis consultatif dans lequel ils voient une étape importante pour le combat mondial contre la pêche illégale. Cet avis déclare en effet désormais sans équivoque que les nations sont tenues d'entreprendre des actions positives destinées à stopper les pêcheurs voyous.
"Les États du pavillon doivent partager la responsabilité des actions menées par leurs navires, quel que soit le point du monde où ces bateaux pêchent", souligne Tony Long, qui dirige les travaux de Pew destinés à mettre fin à la pêche illégale. "Il est encourageant de voir ce tribunal respecté réaffirmer cette vérité. La pêche INN est l’une des premières causes de la dégradation de nos océans, et frappe en premier les peuples des pays pauvres en ressources dont la sécurité alimentaire et les revenus dépendent d'une pêche durable".
Le tribunal considère qu'un organe international, comme l'Union Européenne qui négocie quotas de pêche et droits d'accès au nom de ses États membres, peut être tenue responsable si elle n'a pas mis en place les mesures nécessaires à la prévention de la pêche illégale par l'un de ses membres. Concrètement, l'UE peut faire face à des poursuites si un seul navire immatriculé auprès de l'un de ses États membres s'engage dans des activités de pêche illicite hors de ses eaux.
Le tribunal a également clarifié l'obligation, pour les États pavillon, de coopérer avec les États côtiers, comme les pays composant la CSRP, lors d'investigations pour pêche INN.
La pêche illicite et non déclarée représenterait un cinquième des prises sauvages en mer, dont la valeur annuelle pourrait atteindre 23,5 milliards de dollars. L'Afrique de l'Ouest est peut-être la région la plus touchée au monde, les experts estimant que jusqu'à 37% des poissons qui y sont pêchés le sont de manière illégale.
L'avis consultatif du tribunal pourrait permettre l'application de plusieurs mesures destinées à garantir une pêche durable, dont l'interdiction de certains équipements ou de niveaux inacceptables de captures accessoires.
Le tribunal a rappelé que les États côtiers sont également tenus de coopérer pour la protection des stocks de poissons communs, un effort qui renforcera la durabilité des industries locales.