Arguments en faveur des aires marines protégées

Un moyen de préserver la biodiversité, de renforcer la pêche et de protéger les habitats marins

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Arguments en faveur des aires marines protégées
The Pew Charitable Trusts

Cette fiche d’information a été mise à jour le 17 juillet 2020 et se trouve ici.

En bref

La santé de l’océan est essentielle à toute vie sur Terre. Le phytoplancton, ensemble d’algues microscopiques en suspension dans les couches superficielles de presque tous les océans, produit environ la moitié de l’oxygène de la Terre, tandis que les interactions complexes entre l’océan et l’atmosphère maintiennent l’équilibre de notre climat1. Or, les océans se dégradent, en grande partie à cause des activités humaines qui précipitent l’effondrement de la pêche, la perte de biodiversité et l’acidification de l’eau de mer. Les études suggèrent que pour enrayer ce déclin, les océans du monde devraient être davantage protégés2.

En 2016, les membres de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), autorité mondiale chargée de suivre l’état de la nature, ont adopté une motion recommandant aux nations de protéger 30 % de leurs eaux de toute activité d’extraction d’ici 2030. Il a été démontré que les aires marines protégées (AMP) constituent un moyen efficace de préserver la vie marine et ses habitats. La création d’AMP améliore la santé de l’océan et apporte de nombreux bénéfices aux populations dont la survie et les traditions dépendent de ces eaux.

Protection de la biodiversité

Une AMP est un espace géographique clairement défini, géré de façon à assurer la protection de la nature à long terme3. Dans ces aires, la pêche ainsi que d’autres activités humaines sont restreintes, ce qui permet de reconstituer les populations d’espèces marines en déclin tout en protégeant des espèces et des habitats vulnérables clés. Les AMP qui remplissent les cinq caractéristiques suivantes sont celles qui ont le plus de bénéfices : entièrement protégées où toute activité d’extraction est proscrite, une surveillance efficace, une ancienneté supérieure à 10 ans, une surface supérieure à 100 km² et l’éloignement4.

Au fil du temps, les aires entièrement protégées procurent des poissons plus nombreux et plus gros, et une plus grande biodiversité5. Ces bénéfices s’observent sous différents climats, aussi bien dans les régions tropicales que tempérées6.

Amélioration de la pêche

La création d’AMP est bénéfique pour la pêche. Les populations abondantes de poissons dans les aires entièrement ou fortement protégées sont plus susceptibles de se déplacer au stade adulte ou larvaire à l’extérieur des zones protégées. Par effet de débordement, ce phénomène accroît ou stabilise les captures aux alentours7. Une étude menée dans les îles Galápagos de l’Équateur révèle que les eaux qui entourent une AMP permettent des captures et un effort de pêche accrus8. Les AMP bien situées augmentent la biomasse de poissons et permettent ainsi aux espèces prédatrices, comme les thons et les requins, de se reconstituer9. La protection des zones clés de reproduction et de croissance des espèces vulnérables peut également se révéler très efficace10.

La création d’AMP comme outil de gestion de la pêche suscite l’intérêt et est encouragée, car elle fait partie des méthodes de gestion fondées sur les écosystèmes. D’après les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le pourcentage des stocks de poissons faisant l’objet d’une pêche non durable a triplé entre 1974 et 201511. De nouvelles données indiquent que la seule réglementation de la pêche ne suffit pas à instaurer la durabilité ; il est nécessaire de combiner mesures de gestion et zones entièrement protégées12.

Connectivité

La durabilité de la vie marine peut dépendre de la qualité de l’interaction entre les populations et les écosystèmes océaniques essentiels. Les individus d’une espèce qui migrent vers d’autres zones et s’y reproduisent maintiennent ce que l’on appelle une « connectivité des populations ». Les AMP contiguës ou qui intègrent différents écosystèmes, par exemple une aire protégeant un habitat essentiel comme les prairies sous-marines, ainsi que la haute mer, permettent de maintenir l’interaction entre les communautés marines. Les vastes AMP qui englobent plusieurs habitats, ou les réseaux d’AMP qui protègent des voies migratoires et des habitats clés,  préservent davantage la connectivité entre populations et favorisent la résilience dans un environnement en mutation13.

Bénéfices pour les espèces hautement migratoires

L’absence de données fiables concernant les déplacements des espèces hautement migratrices rend difficile la détermination du rôle et des bénéfices des AMP sur la protection des espèces extrêmement mobiles, dont certaines sont des prédateurs clés des océans. Bien que l’inventaire complet des habitats de nombre de ces espèces soit encore à l’étude, les résultats des recherches indiquent que leurs déplacements sont prévisibles. Par exemple, des études de marquages réalisées sur la tortue luth, l’éléphant de mer du nord, le requin-saumon et le requin blanc révèlent que ces espèces retournent régulièrement vers des zones spécifiques14.

La protection des zones utilisées par ces animaux comme lieux de reproduction ou nurseries pourrait se révéler extrêmement bénéfique15. Les espèces sont parfois plus vulnérables lorsqu’elles se regroupent pour se reproduire, se nourrir ou migrer16. La protection de ces habitats pour les poissons migrateurs, par le biais de la création d’AMP, permettrait de réduire les menaces qui pèsent sur certaines zones, de la même façon que de petites zones protégées permettent de préserver les principales aires d’alimentation des oiseaux migrateurs ou les plages de ponte des tortues marines17.

Bénéfices économiques

Les aires protégées peuvent entraîner une croissance économique grâce au tourisme. La réserve naturelle de la baie de Hanauma, par exemple, est une aire entièrement protégée sur l’île hawaïenne d’Oahu. Elle accueille environ 3 000 visiteurs par jour, ce qui en fait l’une des plages les plus visitées de cet État18. Le programme de sensibilisation du centre d’accueil des visiteurs de la baie devrait générer une valeur ajoutée d’environ 100 millions de dollars pour la communauté au cours des 50 prochaines années19.

La protection des habitats, comme les récifs coralliens, peut se révéler particulièrement bénéfique pour les communautés. Le bénéfice net lié aux récifs coralliens pour l’économie hawaïenne, par exemple, a été estimé à 360 millions de dollars par an, ce qui peut favoriser les investissements scientifiques20. Depuis 2005, plus de 10 millions de dollars ont été investis dans la recherche au monument national marin de Papahānaumokuākea, autre zone protégée d’Hawaï21.

Changement climatique

Des recherches scientifiques de plus en plus nombreuses indiquent que les aires marines entièrement protégées permettent de renforcer la résilience aux effets du changement climatique22 . Ces effets ont de graves répercussions : augmentation de la température à la surface de l’eau, destruction des récifs coralliens due à l’acidification de l’eau, diminution de la production d’oxygène par les océans, changements dans la répartition naturelle des espèces et impacts sur la pêche23.

Les AMP permettent de renforcer la biodiversité et la diversité génétique, d’améliorer la séquestration du carbone et même d’augmenter l’absorption du dioxyde de carbone. La protection des mangroves et des récifs coralliens sur les zones côtières crée des zones tampons contre les tempêtes, tandis que la préservation des zones humides favorise la séquestration et le stockage du carbone à long terme24. Les AMP renforcent la résilience des écosystèmes, ce qui assure le bien-être des sociétés dépendantes de la santé des océans.

Conclusion

Les AMP peuvent jouer un rôle majeur face aux menaces qui pèsent sur l’océan. Ces aires contribuent à dynamiser la biodiversité des océans, la pêche et toute l’économie qui en dépend. L’équipe du projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli travaille en collaboration avec des gouvernements, des communautés locales et d’autres partenaires afin de soutenir la création d’AMP dans le monde entier et ainsi contribuer à la restauration de la santé de l’océan, au bénéfice de tous.

Bibliographie

  1. Paul Falkowski, “Ocean Science: The Power of Plankton,” Nature 483 (2012): S17-S20, http://dx.doi.org/10.1038/483S17a; Wallace S. Broecker, “The Great Ocean Conveyor”, Oceanography 4, no 2 (1991): 79-89, https://doi.org/10.5670/oceanog.1991.07; John A. Knauss et Newell Garfield, Introduction to Physical Oceanography (Long Grove, IL: Waveland Press Inc., 2016), 3ème éd.

  2. Bethan C. O’Leary et al., “Effective Coverage Targets for Ocean Protection”, Conservation Letters 9, no 6 (2016): 398-404,  https://doi.org/10.1111/conl.12247.

  3. Union internationale pour la conservation de la nature et Commission mondiale des aires protégées, “Applying IUCN’s Global Conservation Standards to Marine Protected Areas (MPA)” (2018), https://www.iucn.org/sites/dev/files/content/documents/applying_mpa_global_standards_final_version_050418.pdf.

  4. Graham J. Edgar et al., “Global Conservation Outcomes Depend on Marine Protected Areas With Five Key Features”, Nature 506,  no 7487 (2014): 216-20, http://dx.doi.org/10.1038/nature13022.

  5. Sarah E. Lester et Benjamin S. Halpern, “Biological Responses in Marine No-Take Reserves Versus Partially Protected Areas”,  Marine Ecology Progress Series 367 (2008): 49-56, https://www.int-res.com/articles/meps2008/367/m367p049.pdf.

  6. Sarah E. Lester et al., “Biological Effects Within No-Take Marine Reserves: A Global Synthesis”, Marine Ecology Progress Series 384 (2009): 33-46, https://www.int-res.com/articles/meps2009/384/m384p033.pdf.

  7. Fiona R. Gell et Callum M. Roberts, “Benefits Beyond Boundaries: The Fishery Effects of Marine Reserves”, Trends in Ecology & Evolution 18, no 9 (2003): 448-55, https://doi.org/10.1016/S0169-5347(03)00189-7; Hugo B. Harrison et al., “Larval Export  From Marine Reserves and the Recruitment Benefit for Fish and Fisheries”, Current Biology 22, no 11 (2012): 1023-28,  https://doi.org/10.1016/j.cub.2012.04.008.

  8. Kristina Boerder, Andrea Bryndum-Buchholz et Boris Worm, “Interactions of Tuna Fisheries With the Galapagos Marine Reserve”, Marine Ecology Progress Series 585 (2017): 1-15, https://doi.org/10.3354/meps12399.

  9. Garry R. Russ et Angel C. Alcala, “Marine Reserves: Rates and Patterns of Recovery and Decline of Large Predatory Fish”,  Ecological Applications 6, no 3 (1996): 947-61, https://www.jstor.org/stable/2269497.

  10. Timothy D. White et al., “Assessing the Effectiveness of a Large Marine Protected Area for Reef Shark Conservation”,  Biological Conservation 207 (2017): 64-71, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320717300678.  

  11. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, “The State of World Fisheries and Aquaculture 2018” (2018), http://www.fao.org/documents/card/en/c/I9540EN.

  12. Graham J. Edgar, Trevor J. Ward et Rick D. Stuart-Smith, “Rapid Declines Across Australian Fishery Stocks Indicate Global Sustainability Targets Will Not Be Achieved Without an Expanded Network of ‘No-Fishing’ Reserves”, Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems (2018), https://doi.org/10.1002/aqc.2934; Gell and Roberts, “Benefits Beyond Boundaries”.

  13. Mark H. Carr et al., “The Central Importance of Ecological Spatial Connectivity to Effective Coastal Marine Protected Areas and to Meeting the Challenges of Climate Change in the Marine Environment”, Aquatic Conservation: Marine and Freshwater Ecosystems 27, no S1 (2017): 6-29, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/aqc.2800.

  14. Barbara A. Block et al., “Tracking Apex Marine Predator Movements in a Dynamic Ocean”, Nature 475 no 7354 (2011): 86-90, https://www.nature.com/articles/nature10082.

  15. Timothy D. White et al., “Assessing the Effectiveness of a Large Marine Protected Area for Reef Shark Conservation”, Biological Conservation 207 (2017): 64-71, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320717300678.

  16. Edward T. Game et al., “Pelagic Protected Areas: The Missing Dimension in Ocean Conservation”, Trends in Ecology & Evolution 24, no 7 (2009): 360-69, https://doi.org/10.1016/j.tree.2009.01.011.

  17. Maite Louzao et al., “Oceanographic Habitat of an Endangered Mediterranean Procellariiform: Implications for Marine Protected Areas”, Ecological Applications 16, no 5 (2006): 1683-95, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17069363; George L. Shillinger et al., “Persistent Leatherback Turtle Migrations Present Opportunities for Conservation”, PLOS Biology 6, no 7 (2008): e171, https://doi.org/10.1371/journal.pbio.0060171.

  18. City and County of Honolulu, “History,” last modified Sept. 1, 2016, http://www.honolulu.gov/parks-hbay/2016-09-01-18-10-39/history.html.

  19. Kristine Davidson, Michael Hamnett et Charissa Minato, eds., Economic Value of Hawaii’s Nearshore Reefs (Honolulu: Social Science Research Institute, University of Hawaii, Manoa, 2003), www.hawaii.edu/ssri/cron/files/econ_brochure.pdf.

  20. Herman S.J. Cesar et Pieter J.H. van Beukering, “Economic Valuation of the Coral Reefs of Hawai’i”, Pacific Science 58, no 2 (2004): 231-42, https://scholarspace.manoa.hawaii.edu/bitstream/10125/2723/1/vol58n2-231-242.pdf.

  21. National Oceanic and Atmospheric Administration, “National Marine Sanctuaries,” last modified July 31, 2017 https://sanctuaries.noaa.gov/science/socioeconomic/factsheets/hawaii_monument.html.

  22. Callum M. Roberts et al., “Marine Reserves Can Mitigate and Promote Adaptation to Climate Change”, Proceedings of the National Academy of Sciences 114, no 24 (2017): 6167-75, http://www.pnas.org/content/114/24/6167.

  23. Ove Hoegh-Guldberg et al., “Coral Reefs Under Rapid Climate Change and Ocean Acidification”, Science 318, no 5857 (2007): 1737-42, http://science.sciencemag.org/content/318/5857/1737; Ove Hoegh-Guldberg et John F. Bruno, “The Impact of Climate Change on the World’s Marine Ecosystems”, Science 328, no 5985 (2010): 1523-28, http://science.sciencemag.org/content/328/5985/1523.

  24. Roberts et al., “Marine Reserves Can Mitigate”.