Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port : pourquoi les acheteurs de produits de la mer doivent s’impliquer

Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port : pourquoi les acheteurs de produits de la mer doivent s’impliquer
© John Andrew Uy/Getty Images

Résumé

Chaque année, jusqu’à 26 millions de tonnes de poissons sont pêchées illégalement, ce qui correspond à un poisson sur cinq vendus sur le marché. La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) représente une véritable menace pour les océans, amenuisant encore davantage les populations de poissons en déclin et menaçant l’économie et la sécurité alimentaire des communautés qui dépendent de la pêche pour leur subsistance.

L’éradication de la pêche INN devient une priorité pour les acheteurs de produits de la mer du monde entier. Les acteurs du secteur se rendent compte en effet que cette pratique menace la durabilité des produits proposés à leurs clients et prive de revenus les pêcheurs légitimes.

Les ports de débarquement ont toujours été un point faible dans la lutte mondiale contre la pêche INN, mais les choses sont en train de changer. En se montrant en faveur de contrôles portuaires stricts, les entreprises du secteur des produits de la mer peuvent ainsi garantir à leurs clients qu’elles ne contribuent pas sans le savoir à la pêche illicite.

© Luke Duggleby/Redux/The Pew Charitable Trusts

Les contrôles portuaires permettent de lutter contre la pêche INN

Les pêcheurs INN utilisent diverses tactiques et exploitent les lacunes des législations et procédures nationales pour commercialiser leurs produits. Les ports connus pour leur laxisme ou leurs inspections sommaires constituent, pour les produits de la mer issus de la pêche illicite, des points privilégiés d’accès à la chaîne d’approvisionnement. Les contrôles portuaires, c’est-à-dire les réglementations qui déterminent les navires autorisés à entrer dans les ports et à utiliser leurs services, ainsi que les inspections effectuées lorsque des navires débarquent ou transbordent du poisson, sont essentiels pour empêcher les opérateurs illégaux d’écouler leurs captures.

Le principal outil pour garantir des contrôles portuaires adéquats est l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (MREP) ou accord PSMA, dont le nom officiel en français est « Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée », adopté en 2009 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). L’accord est entré en vigueur en juin 2016, suite à l’adhésion de plus de 25 pays. Il s’agit du premier traité international juridiquement contraignant destiné à lutter contre la pêche INN.

L’accord relatif aux MREP impose aux pays d’exercer des contrôles plus stricts sur les navires battant pavillon étranger qui cherchent à entrer dans leurs ports et à utiliser leurs services. Les opérateurs doivent envoyer une demande aux autorités de ces États lorsqu’ils souhaitent débarquer ou transborder leurs captures dans l’un de leurs ports. Les autorités sont en droit de refuser l’entrée aux navires connus pour s’être livrés à des activités de pêche illicite, ou de les inspecter et de leur bloquer l’accès aux installations portuaires.

En se montrant en faveur de contrôles portuaires stricts, les entreprises du secteur des produits de la mer peuvent ainsi garantir à leurs clients qu’elles ne contribuent pas sans le savoir à la pêche illicite.

Les résultats de ces inspections sont communiqués à d’autres États et organismes concernés afin de faciliter la coopération pour l’application des mesures coercitives. Bien que l’accord relatif aux MREP porte essentiellement sur les navires battant pavillon étranger, les pays signataires sont censés renforcer l’ensemble des contrôles portuaires, y compris à l’encontre des navires nationaux. Si les États jouent le jeu, les opérateurs qui pêchent illégalement seront dissuadés de poursuivre leurs activités, et leurs captures ne pénétreront pas le marché mondial.

Le nombre de pays signataires de l’accord relatif aux MREP continue d’augmenter, et l’accord se révèle un outil rentable de lutte contre la pêche illicite au niveau international. Ce point est d’autant plus intéressant que les méthodes de coercition traditionnelles sont extrêmement onéreuses et demandent une main-d’œuvre importante. En signant le traité, les États indiquent clairement à la communauté internationale qu’ils sont décidés à lutter contre la pêche illicite et que leurs ports ne sont plus ouverts aux produits de la mer pêchés illégalement.

En signant le traité, les États indiquent clairement à la communauté internationale qu’ils sont décidés à lutter contre la pêche illicite et que leurs ports ne sont plus ouverts aux produits de la mer pêchés illégalement.

Les entreprises du secteur peuvent s’impliquer

Les acheteurs de produits de la mer peuvent privilégier les ports des États signataires de l’accord relatif aux MREP dans la mesure où ils présentent moins de risques d’être des points d’entrée de produits pêchés illégalement. Et si leur chaîne d’approvisionnement comprend des ports situés dans des États n’ayant pas encore signé le traité, les acheteurs peuvent jouer un rôle actif en les invitant à le faire.

Il est indispensable d’appliquer toutes les dispositions de l’accord relatif aux MREP pour lutter efficacement contre la pêche INN. Dans le cadre de leur vigilance, les acheteurs doivent avant tout s’assurer que l’État du port dispose de procédures pour identifier les navires suspects et les empêcher d’entrer dans leurs ports, de procédures normalisées d’inspection des ports et de la capacité de les mener à bien, ainsi que de canaux de communication pour partager les informations avec d’autres organismes régionaux et internationaux.

Les acheteurs de produits de la mer doivent également collaborer avec les fournisseurs pour améliorer la mise en œuvre des mesures de l’État du port en :

  • cartographiant les chaînes d’approvisionnement afin d’identifier clairement les ports de débarquement et de transbordement ;
  • vérifiant si les ports appartiennent à des États ayant signé l’accord relatif aux MREP et, dans le cas contraire, en invitant ces États à le signer ;
  • vérifiant si les États ont officiellement désigné des ports de débarquement et de transbordement pour les navires battant pavillon étranger et, si ce n’est pas le cas, en leur demandant de le faire et d’ajouter ces ports à la liste des ports désignés ;
  • encourageant les États parties à jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de l’accord relatif aux MREP par leur participation à des réunions, à des groupes de travail et à d’autres forums internationaux et régionaux, notamment à ceux traitant des besoins des pays en développement ;
  • se renseignant sur la mise en œuvre des mesures de l’État du port lors des visites des ports et en utilisant une liste type de questions.

Le rôle d’un État du port dans la lutte contre la pêche illicite

  1. Avant d’accéder à un port, le capitaine d’un navire doit fournir à l’autorité responsable de la pêche, suffisamment à l’avance et conformément aux exigences de l’État du port, des informations sur l’identité du navire, les captures stockées à bord, les autorisations de pêche et de transbordement et les transbordements déjà effectués.
  2. Les responsables portuaires décident d’autoriser ou de refuser l’entrée du navire dans le port en fonction du rapport fourni par le navire et de toutes les autres informations disponibles qui permettent de déterminer si le navire aurait pu se livrer à des activités de pêche INN ou liées à la pêche INN. Si le navire est autorisé à entrer dans le port, il tombe alors sous la juridiction de l’État du port.
  3. S’il existe des preuves suffisantes que le navire a été impliqué dans des activités de pêche INN ou liées à la pêche INN, l’État du port peut refuser l’entrée du navire dans le port, ou l’autoriser exclusivement dans le but d’inspecter le navire et de prendre les mesures appropriées à son encontre. Tout navire suspect qui accède à un port doit se voir refuser l’utilisation de ce port à des fins de débarquement, de transbordement, de conditionnement ou de transformation des captures, ainsi que l’utilisation des services portuaires, notamment l’approvisionnement en carburant, l’avitaillement, l’entretien et la mise en cale sèche.
  4. Si un navire entre dans un port et qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’il a été impliqué dans des activités de pêche INN, il ne doit pas être autorisé à débarquer ou transborder ses captures, ni à utiliser les services portuaires.
  5. Un navire doit se voir refuser tout débarquement ou transbordement de ses captures et toute utilisation des services portuaires si : l’État du port découvre que le navire ne dispose pas d’une autorisation valide émise par l’État du pavillon ou l’État côtier pour pratiquer la pêche ou des activités liées à la pêche ; ou l’État du port dispose de preuves que les captures stockées à bord ont été pêchées en violation des règles de l’État côtier ; ou l’État du pavillon ne confirme pas dans un délai raisonnable que les prises stockées à bord ont été capturées conformément aux règles des organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP).
  6. Un navire ne doit pas se voir refuser l’utilisation des services portuaires si la sécurité de l’équipage ou du navire, ou la santé de l’équipage sont en jeu.
  7. L’État du port peut prendre d’autres mesures, notamment en collaboration avec l’État du pavillon et, au besoin, les États côtiers et les organisations régionales de gestion de la pêche.
  8. L’État du port doit transmettre des rapports d’inspection et des informations sur les mesures prises à la suite des inspections à l’État du pavillon et, le cas échéant, aux autres États concernés, aux ORGP, à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et à toute autre organisation internationale concernée.
© Kashfi Halford

Conclusion

L’implication des acheteurs de produits de la mer est déterminante pour juger de l’efficacité de l’accord relatif aux MREP pour mettre fin à la pêche illicite. S’il est impératif qu’un plus grand nombre d’États ratifient et mettent en œuvre l’accord, il n’en reste pas moins que les acheteurs peuvent attirer l’attention sur les problèmes à traiter et promouvoir une application réelle du traité.

En collaborant étroitement avec les gouvernements et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les acheteurs de produits de la mer peuvent contribuer à lutter contre la pêche illicite sur tous les fronts. Ils ont une excellente raison de le faire : les consommateurs s’intéressent de plus en plus à la provenance des produits de la mer, poussant ainsi les acheteurs à prendre les mesures nécessaires pour garantir la durabilité de leurs produits.

En posant des questions et en exigeant des contrôles plus stricts dans les ports où leurs produits sont débarqués, les acheteurs de produits de la mer peuvent réduire leur risque de vendre des produits issus de la pêche INN et limiter le nombre de ports où les pêcheurs sont susceptibles de débarquer leurs captures illicites.