Pour les experts, la nouvelle stratégie française de protection du milieu marin devrait être plus ambitieuse

Des études montrent qu'une limitation stricte des activités d'extraction est la solution la plus avantageuse pour les océans et les populations

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Pour les experts, la nouvelle stratégie française de protection du milieu marin devrait être plus ambitieuse
Des tamarins orange à rayures bleues nagent dans les eaux de la Polynésie française autour des îles Australes, une zone dont la très riche biodiversité marine gagnerait à bénéficier de mesures de protection rigoureuses.
Ian Skipworth

La France a dévoilé en janvier sa nouvelle stratégie globale de conservation marine, qui a pour objectif de protéger 30 % de ses eaux d'ici 2022. Un tiers de cette superficie bénéficierait de mesures de « protection forte », ce qui signifie que les activités d'extraction ne devraient pas être autorisées dans ces zones. Le respect de ces objectifs constituerait une avancée majeure pour la santé des océans de la planète. La France possède en effet la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde (11 691 000 kilomètres carrés) en grande partie grâce à ses nombreux territoires d'outre-mer, notamment la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Préalablement à l'annonce de la France, le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli s'est associé au Comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour réunir experts et parties prenantes au cours d'une série de conférences en ligne et échanger sur la nécessité, les avantages et l'importance de la protection forte. L'objectif des 30 % de protection étant déjà presque atteint, la protection forte devrait désormais constituer la priorité du gouvernement.

Les aires marines protégées sont bénéfiques pour la santé des océans et les communautés côtières

La première conférence de cette série s'est tenue en septembre 2020. Une douzaine d'experts français y ont débattu de la santé des océans et d'approches efficaces de conservation de la biodiversité, notamment la création d'aires marines protégées (AMP) totalement préservées et bien gérées. 

D'après ces experts, les AMP apportent des avantages tangibles aux écosystèmes marins et aux communautés environnantes, et en particulier les zones qui bénéficient d'un niveau de protection élevé. Ce type d'AMP permet de préserver les herbiers marins et les récifs, constituant des protections naturelles contre la houle et l'érosion des côtes. Elles peuvent également favoriser la séquestration du carbone en préservant les forêts de mangroves, capables d'absorber au moins trois fois plus de carbone que les forêts tropicales terrestres.  

Par ailleurs, les participants à la conférence ont mis en avant les avantages des AMP pour les économies locales. Des études prouvent en effet que les poissons sont plus gros et plus nombreux à l'intérieur d'une AMP qu'à l'extérieur. Lorsque les populations de poissons arrivent à maturité et se développent, elles se répandent sur les zones de pêche, générant ainsi davantage de captures et de revenus pour les pêcheurs. Les AMP peuvent également contribuer à générer des revenus importants liés au tourisme.  

L'importance d'une protection forte

Selon les experts, les avantages des AMP ne se révèlent que lorsque ces zones sont étendues et hautement protégées. Bien que 23,5 % des eaux maritimes françaises soient désignées comme AMP, certaines d'entre elles autorisent encore des activités comme la pêche industrielle, qui compromettent les avantages escomptés en matière de conservation. Selon un article récent publié dans la revue Marine Policy, moins de 2 % des eaux françaises sont totalement ou hautement protégées, et 80 % de celles-ci se trouvent dans un seul territoire d'outre-mer : les TAAF.

Les intervenants d'une autre conférence, qui s'est tenue en ligne en novembre 2020, ont fait remarquer que ces eaux hautement protégées étaient principalement situées dans des territoires d'outre-mer peu fréquentés et moins exposés aux pressions humaines. Ils les jugent par conséquent « insuffisamment représentatives » des habitats marins français dans le monde. Au cours de la conférence, ils ont ainsi suggéré que la France établisse davantage d'AMP hautement protégées et offrant une meilleure représentativité des habitats clés sur l’ensemble de ses eaux territoriales. 

Dans le cadre de l'annonce de sa stratégie, la France s'est engagée à élaborer trois plans d'action triennaux faisant intervenir ses territoires d'outre-mer. Le premier de ces plans a été publié en janvier. Sa mise en œuvre devrait permettre à la France de renforcer sa protection marine et d'en tirer des avantages écologiques significatifs. Pour y parvenir, elle doit créer des AMP hautement protégées qui limitent toutes les activités extractives et nuisibles, telles que la pêche industrielle.

Un appel mondial à l'action

Les meilleures données scientifiques disponibles nous indiquent que nous devons protéger au moins 30 % de l'océan pour préserver la biodiversité et les écosystèmes, améliorer la sécurité alimentaire à long terme et garantir les moyens de subsistance provenant de l'océan. Aujourd'hui, plus de 70 pays, dont la France, se sont publiquement engagés à atteindre cet objectif d'ici 2030. Par ailleurs, plus de 100 pays se sont rejoints pour apporter leur soutien à un objectif mondial de biodiversité visant à améliorer de manière significative la protection et la conservation des océans de la planète au cours de la prochaine décennie. La France mène un rôle de leader pour promouvoir l'objectif mondial des 30 % par le biais de la High Ambition Coalition. Grâce à cette dynamique mondiale, il sera possible de proposer un cadre pour l'après-2020 lors de la 15e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique qui se tiendra à la fin de l'année. Ce cadre devrait inclure un objectif ambitieux en faveur des océans, préconisant des protections marines efficaces et mettant l'accent sur les zones importantes pour la biodiversité et les services écosystémiques.

Jérôme Petit est responsable du projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Polynésie française.

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