Des directives internationales aideraient à freiner les activités illégales liées aux transbordements de poissons en mer
Lors d'une prochaine réunion en février, une agence des Nations Unies devrait décider d'améliorer la surveillance, le signalement et la responsabilité en ce qui concerne le transbordement
Dans une grande partie du monde, le moyen le plus rapide de commercialiser le poisson issu de la pêche industrielle est le transbordement, qui consiste à transférer les captures dans un navire transporteur qui l'achemine ensuite au port. Toutefois, la réglementation, le contrôle et la répression des transbordements en mer sont souvent inadéquats, ce qui ouvre la voie à de nombreuses possibilités d'activités illicites, notamment le blanchiment des captures illégales ou le trafic d'animaux sauvages et d'êtres humains.
De nombreuses organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), qui gèrent les populations de poissons dans différentes zones de l'océan, sont conscientes des risques liés aux transbordements non réglementés et ont mis en place certaines mesures afin de contrôler ces activités. Toutefois, cette surveillance est hétéroclite, ponctuelle et non uniforme, ce qui limite bien entendu son efficacité.
Heureusement, cette situation pourrait bientôt changer : lorsque les membres du Comité des pêches (COFI) de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) vont se réunir virtuellement du 1er au 5 février, ils auront la possibilité de commencer à élaborer des directives internationales sur les transbordements afin d'aider les ORGP et les gouvernements à gérer ce type d'activité de manière plus coordonnée, uniforme et efficace.
Le COFI, qui se réunit tous les deux ans pour examiner et orienter le secteur de la pêche et de l'aquaculture internationale, prépare cette initiative depuis 2016, année où ses membres ont demandé expressément à la FAO de commencer à se pencher sur la réglementation du transbordement. Après plusieurs réunions de haut niveau, ateliers spécialisés et projets de recherche menés au niveau national, la FAO a publié en décembre un rapport qui présente cinq éléments clés devant figurer dans les directives :
- Définitions universelles : le recours au transbordement devrait être limité aux situations où il existe des définitions claires et reconnues de ce qu'est un « transbordement », une « conteneurisation » et un « débarquement ».
- Exigences en matière d'autorisation : seuls les navires qui respectent un certain nombre d'obligations précises devraient être autorisés à effectuer des transbordements. Il peut s'agir d'exigences en vertu desquelles les navires doivent figurer sur la liste d'autorisation et battre pavillon de l'État membre de l'ORGP où les transbordements sont effectués ; les navires ne peuvent pas être à la fois navire donneur et navire receveur au cours d'une même sortie, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas à la fois décharger et récupérer des captures ; des mesures de suivi, de contrôle et de surveillance doivent être mises en place ; et les navires admissibles doivent être répertoriés dans le système de numérotation de l'Organisation maritime internationale.
- Mandats d'établissement de rapports : les armateurs devraient être tenus de soumettre des déclarations et des rapports de transbordement normalisés à l'ensemble des autorités compétentes, notamment aux ORGP. Ces rapports devraient indiquer la totalité des espèces transbordées, y compris les captures accessoires et toutes les espèces non réglementées. Par ailleurs, les notifications et les rapports établis avant et après le transbordement doivent être transmis dès que possible, et des procédures d'audit doivent être établies par les autorités compétentes pour vérifier toutes les données de transbordement des navires, des États du pavillon et des observateurs.
- Mesures de suivi : les navires devraient transmettre les données de localisation au moyen de systèmes de surveillance par satellite et faire réaliser des vérifications indépendantes des activités par le biais d'observateurs ou d'une surveillance électronique. Tous les États qui accueillent des navires pratiquant le transbordement devraient adopter les mesures du ressort de l'État du port, ainsi que des systèmes de documentation des captures ou des programmes de traçabilité applicables à toutes les captures transbordées.
- Partage des informations : les secrétariats des ORGP et les autorités de l'ensemble des États du pavillon, des États côtiers et des États du port concernés devraient suivre les procédures normalisées de partage de données qui devraient être mises en place par les autorités compétentes afin d'assurer la cohérence et l'efficacité des communications et des déclarations d'activité. Les ORGP doivent rendre ces informations accessibles au public (dans des rapports annuels) à des fins scientifiques et de conformité.
Lors de la réunion du COFI de février, les membres devraient demander à la FAO de mettre en place des processus de négociation officiels en vue de rédiger des directives internationales sur le transbordement basées sur ces éléments ; le COFI pourrait alors adopter ces directives en 2022. Il s'agirait d'un pas important vers la mise en place de processus de transbordement transparents favorisant la durabilité et la traçabilité de la chaîne d'approvisionnement des produits de la mer.
Dawn Borg Costanzi et Esther Wozniak travaillent au sein du programme de Pew consacré à la pêche internationale.