Note de la rédaction : Le contenu de cette page a été publié avant juin 2023, date à laquelle les Nations unies ont adopté un traité légalement contraignant sur la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones ne relevant d’aucune juridiction nationale. Ce traité est parfois appelé « traité sur la haute mer ».
La haute mer constitue un milieu à la fois éloigné et vaste. En effet, si elle ne commence qu'à 200 miles nautiques des côtes, elle représente presque les deux tiers de l'océan. Par conséquent, ces eaux ne suscitent pas autant d'intérêt que les eaux plus proches des côtes alors qu'elles le devraient, car elles abritent une vie riche et recèlent des écosystèmes aussi importants qu'uniques. Elles sont aujourd'hui de plus en plus menacées par les activités humaines et le changement climatique, qui entraîne le réchauffement et l'acidification de l'océan.
Par rapport à celles intervenant dans les eaux nationales, les activités humaines en haute mer sont régies par un cadre réglementaire relativement limité. Par ailleurs, l'éloignement de la haute mer et le vide juridique entourant sa gestion rendent l'application des règles existantes et la mise en place de protections environnementales très complexes.
Les aires marines protégées (AMP) font partie des outils les plus efficaces pour préserver et restaurer la santé de l'océan, comme le montrent de plus en plus de données scientifiques. Cependant, le système actuel de gestion de l'océan ne permet généralement pas d'établir de vastes AMP en haute mer. Un traité des Nations Unies sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ pour les experts) cherche à combler ce manque en permettant notamment la création d'AMP en haute mer. Les négociations entourant ce traité devraient se terminer cette année, mais si jamais elles aboutissent, la question suivante ne manquera pas de se poser : Quelle partie de la haute mer devrait être protégée en premier ?
The Pew Charitable Trusts a financé une équipe de scientifiques chapeautée par Doug McCauley, professeur d'écologie, d'évolution et de biologie marine à l'université de Californie à Santa Barbara, pour répondre à cette question. Son étude, dont la publication a été acceptée dans la revue Marine Policy, s'est penchée sur divers facteurs : richesse des espèces, risque d'extinction de ces espèces, présence de monts sous-marins et de cheminées hydrothermales, diversité des habitats et productivité (mesure de l'absorption de carbone par une zone et de sa contribution à la chaîne alimentaire marine). Les auteurs ont ensuite utilisé un outil de hiérarchisation de la conservation appelé prioritizr R pour sélectionner les régions de l'océan réunissant au moins 30 % des critères de conservation décrits ci-dessus tout en limitant les chevauchements avec les zones déjà fortement exploitées pour la pêche.
Leurs résultats révèlent entre autres que le plateau Lord Howe et le sud de la mer de Tasmanie figurent parmi les zones ne relevant d'aucune juridiction nationale qui présentent la plus grande biodiversité et la plus grande productivité de la planète. Ces zones constituent notamment des étapes stratégiques du parcours migratoire de grands animaux marins comme les baleines à bosse.
Dans un nouveau rapport basé sur cette étude, Pew donne davantage de contexte et d'informations sur certaines des zones à préserver mentionnées dans l'étude. L'une d'elles est la mer d'Arabie, une zone située dans le nord de l'océan Indien et connue pour sa pauvreté extrême en oxygène. En effet, il s'agit de l'un des rares endroits où la densité de la vie marine est telle qu'elle ne laisse que peu d'oxygène au reste de l'écosystème. Ces eaux abritent des créatures des profondeurs uniques qui ont su s'adapter à ces conditions, ainsi que de grands prédateurs, comme le calmar, le Trachipteridae, le thon et le marlin.
Le rapport ne couvre pas l'intégralité des sites répertoriés dans l'analyse de l'UCSB, mais met en lumière la multiplicité et la diversité des habitats de haute mer et des animaux qui y vivent.
Nous encourageons les états membres des Nations Unies à finaliser rapidement un traité ambitieux sur la haute mer, c'est-à-dire un traité prévoyant de réelles protections pour les zones de haute mer importantes. Ces mesures amélioreraient la santé de l'océan et profiteraient aux milliards de personnes dont la vie dépend de la richesse de l'environnement marin.
Liz Karan dirige les travaux de The Pew Charitable Trusts visant à protéger la vie marine en haute mer.