Les polynésiens renouent avec leurs traditions pour sauver leur océan
Des actions originales et innovantes pour préserver l'environnement marin
L’histoire des peuples polynésiens, de la Nouvelle-Zélande à Hawaï en passant par Rapa Nui (île de Pâques), est intimement liée à l’océan. Il leur a offert ce lien entre leurs îles, leurs familles, et vers le monde extérieur. Au cours de leurs voyages à travers l'océan Pacifique, les polynésiens ont tissé un lien très fort avec l'océan, avec notamment la pratique du rāhui, un concept polynésien traditionnel qui consiste à restreindre l’usage d’une ressource naturelle pour sa préservation et sa régénération.
Au cœur du triangle polynésien, le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Polynésie française œuvre pour promouvoir la création de grandes réserves marines, au sein de l’aire marine gérée crée par le gouvernement de Polynésie française sur l’ensemble de la zone économique exclusive. Afin de promouvoir la protection des ressources côtières et de valoriser la culture locale liée au rahui, Pew et la fondation Bertarelli, en partenariat avec la Fédération des Associations de Protection de l’Environnement (FAPE) - Te Ora Naho, ont lancé un programme d’appel à projets Rāhui. Dix nouvelles propositions de projets ont été acceptées en juin. Les initiatives soutenues permettront de contribuer directement à la protection stricte de 30% des habitats marins de Polynésie française, conformément aux recommandations de l’UICN.
Depuis son lancement l'année dernière, cet appel à projets Rāhui a permis de contribuer au financement de projets concrets, proposés par des communes locales, des pêcheurs, des scientifiques et des associations environnementales. Les dix premiers projets financés concernent notamment la gestion et la surveillance d’un rāhui existant à Huahine, un programme éducatif sur le rāhui dans une école de Taravao à Tahiti, la restauration écologique de coraux à Punaauia, Tahiti , et la production d'un jeu vidéo sur le thème du rāhui.
Ce jeu vidéo pédagogique consacré au rāhui a été créé par le développeur de jeux et d'applications 3D Carré Tahiti, en collaboration avec le programme Pew et Bertarelli. L’objectif est de faire découvrir aux jeunes les différentes espèces marines, les bénéfices d'un lagon en bonne santé et l'importance de préserver les ressources marines pour les générations futures grâce au rahui. Le jeu est sorti en mars et a été présenté dans plusieurs écoles et collèges de Tahiti et Moorea. Il est gratuit et disponible pour toutes les écoles de Polynésie française.
À Rurutu, l'une des cinq îles de l'archipel des Australes, le programme Rāhui a contribué au financement d'un concours de danse traditionnelle sur le thème du rāhui, organisé par l'association culturelle Vaitemarama. La danse tahitienne est profondément ancrée dans la culture polynésienne et reste très populaire au sein de la communauté. Le concours a eu lieu en décembre et le groupe vainqueur, Tamarii Taura’a U’i, participera à l'édition 2019 du Heiva, le plus grand concours de danse de Tahiti.
Le programme Héritage des océans de Pew et Bertarelli soutient également d'autres projets de création et de gestion de zones rāhui ou d’aires marines protégées. La commune de Teva I Uta à Tahiti, en partenariat avec Pew et Bertarelli, a lancé une démarche de création d’un rāhui lagonaire. Suite à la réalisation d’un diagnostic environnemental du lagon et la consultation des pêcheurs, une zone protégée doit être proposée avec la population. La commune espère mettre en place officiellement le rāhui avant la fin de l’année. Sur l'île de Huahine, le programme a permis d’aider l'association communautaire Paruru te tairoto o Haapu à protéger son lagon, en participant à l'achat d'un petit bateau pour surveiller une zone rāhui existante.
Ces différentes initiatives liées au rāhui montrent la place essentielle de la conservation des océans dans la culture polynésienne. Face aux impacts des activités humaines et du changement climatique sur les océans, des mesures sont nécessaires pour préserver les écosystèmes côtiers et continuer à en tirer des bénéfices durables pour les populations qui en dépendent. Le concept du rāhui peut ainsi être une solution pour la Polynésie française ainsi que les communautés insulaires du monde entier, pour préserver leurs ressources et garantir leur sécurité alimentaire .
Jérôme Petit est le directeur du programme Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Polynésie française et Donatien Tanret le chargé de projet.