Le Parlement européen doit exercer son influence pour mettre fin à la surpêche en Europe
Les députés européens doivent veiller à ce que les plans pluriannuels ne soient pas édulcorés par les ministres de la Pêche.
Filets de pêche alignés sur les quais d'un port européen. Sans une intervention ferme du Parlement européen, la surpêche en Europe risque de perdurer.
© Corey Arnold
En 2013, les représentants des États membres et des institutions européennes avaient célébré les avancées de la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP). Après des décennies de gestion défaillante, l'UE avait enfin trouvé un terrain d'entente pour mettre fin à la surpêche et conclu un accord contraignant assorti de dates butoirs. Seule ombre au tableau : les ministres nationaux chargés de la pêche indiquaient avoir « besoin de quelques années supplémentaires pour agir progressivement ».
Le processus de réforme avait été marqué par d'âpres négociations entre les eurodéputés et le gouvernement des États membres pendant plus de cinq ans. L'obtention de tels ajustements graduels demande beaucoup de patience et de travail politique, et ce, avant même que la mise en œuvre commence.
Les limites de capture excessives prouvent qu'il reste encore beaucoup à faire pour mettre fin à la surpêche
Cette réforme de la PCP est en vigueur depuis trois ans et demi, et les retards de mise en œuvre témoignent de la réticence des ministres à finir le travail entamé.
Les données récentes émanant du Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), une instance de la Commission européenne, mettent en évidence l'écart entre l'état actuel des stocks et les engagements contenus dans la PCP. En 2015, on constatait une surpêche de 41 % des stocks pour lesquels on disposait d'avis scientifiques détaillés permettant d'atteindre un niveau de rendement élevé à long terme. Et l'analyse de The Pew Charitable Trusts fondée sur les limites de pêche pour 2017 montre clairement la lenteur des progrès en faveur de l'élimination de la surpêche : De manière générale, nous avons constaté cette année que les ministres de la Pêche ont fixé 54 % des limites de capture au-delà des seuils préconisés par les scientifiques. Conclusion : plus de la moitié des stocks de poissons de l'UE sont encore susceptibles de faire l'objet d'une surpêche. Ces données portent également sur des stocks pour lesquels on dispose de recommandations scientifiques moins exhaustives.
Les plans pluriannuels permettent de mettre en œuvre une vision à long terme
L'UE n'a plus que trois ans pour respecter l'échéance contraignante pour l'éradication de la surpêche fixée à 2020. Les acteurs de la réforme de la PCP avaient bien conscience des freins politiques à l'œuvre dans le processus annuel de décision du Conseil de l'UE sur les limites de pêche. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la PCP exige l'élaboration de « plans pluriannuels » qui offrent une vision à long terme sur une région de pêche donnée, afin de garantir la mise en œuvre des objectifs fixés. Les membres de la Commission Pêche du Parlement européen étudieront le plan pluriannuel proposé pour la mer du Nord lors de leur réunion en juillet. Le Conseil a clairement affirmé sa position : Les ministres de la Pêche de l'UE qui fixent des limites de capture supérieures aux recommandations scientifiques sont les mêmes que ceux qui contribuent à édulcorer le plan pluriannuel proposé. Ces ministres voudraient réduire les objectifs de la PCP pour certaines espèces, et ils cherchent par tous les moyens à fixer des limites de capture supérieures aux seuils préconisés.
Les députés européens doivent exiger plus de détermination et d'urgence dans l'action
L'histoire se répète, et un océan sépare toujours les objectifs que les eurodéputés souhaitent atteindre des mesures que les ministres de la Pêche de l'UE s'engageront à prendre. Après le dur combat mené pour obtenir ces importantes réformes, le Parlement européen doit aujourd'hui mettre les gouvernements nationaux réticents face à leur responsabilité quant à la mise en œuvre de cette législation.
Regarder de loin ce que font les États membres ne suffit pas. Sur les plans pluriannuels, les députés européens ont le pouvoir de codécision avec le Conseil ; ils ont donc la capacité d'imposer des orientations légales fortes. Plusieurs parlementaires membres de la Commission Pêche assument déjà ce rôle et proposent des modifications pour contrecarrer les tentatives du Conseil d'affaiblir les plans pluriannuels en cours de négociation, voire dans certains cas pour améliorer la proposition initiale de la Commission européenne.
Tant que le Conseil n'affirme pas sa volonté de respecter les échéances de la PCP qui approchent à grands pas, nous comptons sur ces eurodéputés qui exigent d'aller plus loin et veillent à ce que les plans pluriannuels ne soient pas édulcorés, mais au contraire renforcés pour mettre fin à la surpêche. Ces eurodéputés méritent un soutien franc et massif pour les efforts qu'ils déploient afin que les ministres de la Pêche de l'UE tiennent leur parole.
Andrew Clayton dirige la campagne de The Pew Charitable Trusts pour mettre fin à la surpêche en Europe du Nord-Ouest.