Quand l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (AMREP) est entré en vigueur en 2016, il a été acclamé par les Nations unies comme le début d’une nouvelle ère dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Plus de 25 gouvernements avaient ratifié ou adhéré au traité, dépassant ainsi le nombre minimum nécessaire à sa mise en œuvre. Depuis, ce nombre a plus que doublé. Mais, un traité est-il à lui seul un mécanisme suffisamment fort pour lutter contre le non-respect des lois et des politiques de la pêche ? Nous pensons que oui, mais la force d’un accord dépend avant tout de la capacité de ses parties à veiller à son application.
Le traité – officiellement l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée – est le premier accord international juridiquement contraignant ciblant cette activité illégale, qui représente environ un cinquième des captures sauvages annuelles pour un montant maximal de 23,5 milliards de dollars.
Adopté en 2009 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Accord relatif aux MREP impose aux parties de soumettre à des contrôles plus rigoureux les navires battant pavillon étranger qui cherchent à entrer dans leurs ports et à utiliser leurs services pour y débarquer ou y transborder leurs captures. Pour que l’Accord relatif aux MREP porte ses fruits, il est essentiel qu’il suscite une forte implication à l’échelle mondiale. Tandis que de plus en plus d’États ratifieront l’Accord et montreront leur engagement à lutter contre la pêche INN, les lacunes qui permettent aux pêcheurs clandestins de passer à travers les mailles du filet disparaîtront peu à peu. Les efforts internationaux déployés ces dernières années se sont traduits par une augmentation du nombre de parties à l’Accord, rendant par là même de plus en plus difficile pour la pêche illégale d’atteindre les marchés nationaux et internationaux et contribuant à dissuader les opérateurs malhonnêtes de poursuivre leurs activités de pêche INN. L’industrie des produits de la mer joue également un rôle important, car les acheteurs des produits de la mer peuvent manifester leur préférence à s’approvisionner dans des ports situés dans des pays ayant ratifié l’Accord.
Une attention particulière doit aussi être accordée à la mise en œuvre de l’Accord relatif aux MREP pour s’assurer que les engagements sont respectés et que des mesures efficaces sont mises en place et que les dispositions de l’Accord sont appliquées. Les pays se rendent compte que l’Accord est un mécanisme rentable de lutte contre la pêche illégale. L’envoi de patrouilles maritimes en pleine mer pour suivre et potentiellement arrêter les opérateurs illégaux du secteur de la pêche est une activité onéreuse et dangereuse. En comparaison, les activités de surveillance dans les ports sont plus sûres et moins coûteuses.
Pour proposer leurs captures aux consommateurs, les pêcheurs INN utilisent généralement diverses tactiques et exploitent les lacunes des législations et des procédures de gestion nationales. Ils exploitent les ports de débarquement connus pour leur laxisme ou très peu enclins à procéder à des inspections en bonne et due forme. L’Accord relatif aux MREP change la donne. Les parties à l’Accord peuvent refuser l’entrée dans le port ou l’accès aux services portuaires – y compris le débarquement et le transbordement des captures – aux navires battant pavillon étranger et connus pour pratiquer la pêche INN. Lors de leur entrée dans un port, ces navires font l’objet d’une inspection immédiate, et les résultats de ces inspections sont communiqués aux États et organismes concernés afin de faciliter la coopération en vue de l’application de mesures coercitives. En ratifiant ou en adhérant à l’Accord, les États indiquent clairement que leurs ports ne sont plus ouverts aux produits de la mer pêchés illégalement.
La plupart des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) réglementent également les mesures de contrôle d’État du port des pays membres dans le cadre de leurs activités de gestion. Ceci permet de s’assurer que ces États ont mis en place des normes minimales, qu’ils aient ratifié l’Accord relatif aux MREP ou non.
L’adoption d’une approche concertée par toutes les parties prenantes peut aider les ports à mettre un terme au débarquement des produits de la mer capturés illégalement et empêcher leur entrée dans la chaîne d’approvisionnement.
En adhérant à l’Accord relatif aux MREP, les États du port montrent qu’ils prennent leurs responsabilités au sérieux et garantissent un accès ininterrompu aux marchés importants, où les acheteurs des produits de la mer s’engagent pour mettre un terme à la pêche INN.
iStockphotoDevenir partie à l’Accord et la mise en œuvre efficace des mesures de l’État du port représentent certes un coût mais apportent également de nombreux bénéfices directs et indirects, à savoir :
Les contrôles portuaires sont plus sûrs, moins onéreux et attestent d’une approche plus proactive que les méthodes de suivi, de contrôle et de surveillance traditionnelles.
Luke DugglebyÊtre une partie à l’Accord manifeste la volonté d’un État de lutter contre la pêche INN, mais il est impératif de ne pas oublier de mettre en œuvre ses dispositions.
Les États collaborent avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales afin d’aider les parties à l’Accord à combler les lacunes au niveau juridique, institutionnel et opérationnel et ainsi mettre en application l’Accord. Ces activités comprennent l’alignement de la législation sur les exigences de l’Accord relatif aux MREP, l’élaboration des mécanismes de sanction des pêcheurs illégaux, la formation du personnel aux normes de l’inspection portuaire et la mise en place des politiques et technologies d’échange de l’information.
Être partie à l’Accord manifeste la volonté d’un État de lutter contre la pêche illicite, mais il est tout aussi impératif de mettre en œuvre ses dispositions.
En mai 2017, les parties se sont rencontrées pour tenter de cerner les mesures qui permettront de mettre en œuvre l’Accord. Les représentants prévoient de se rencontrer tous les deux ans pour poursuivre ce travail qui sera étayé par des réunions de groupes de travail techniques. Ces efforts devraient notamment se traduire par la mise en place d’un fonds visant à aider les pays en développement à évaluer leurs systèmes de suivi, de contrôle et de surveillance, à assurer une meilleure coopération inter-institutions et à renforcer leurs cadres institutionnels.
L’exécution de l’Accord relatif aux MREP n’est pas limitée aux parties. Pour mettre fin à la pêche INN, tous les États doivent surveiller les activités des navires battant leur pavillon, et les États côtiers doivent surveiller leurs eaux. Tous les États doivent vérifier les informations en leur possession et les communiquer aux États du port afin de les aider à prendre des décisions éclairées.
Bien que ce soient les gouvernements qui ratifient et exécutent l’Accord, les acheteurs des produits de la mer ont aussi un rôle à jouer. Les acheteurs peuvent instaurer des politiques favorisant les ports dont les États ont ratifié l’Accord relatif aux MREP, car ils sont associés à un moindre risque dans le cadre du processus de diligence raisonnable. Le secteur dans son ensemble peut jouer un rôle essentiel en sensibilisant les États qui n’ont pas encore ratifié l’Accord et en les encourageant à réévaluer les contrôles qu’ils ont mis en place pour lutter contre le débarquement de produits de la pêche INN, notamment en visitant les ports.
L’adoption d’une approche concertée par toutes les parties prenantes peut aider les ports à mettre un terme au débarquement des produits de la mer capturés illégalement et empêcher leur entrée dans la chaîne d’approvisionnement, afin que les ports ne soient plus un maillon faible de la lutte mondiale contre la pêche INN.