Évaluations de l’impact sur l’environnement en haute mer

L’importance de l’examen des EIE dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale

Évaluations de l’impact sur l’environnement en haute mer
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En bref

Sur notre planète, les scientifiques ne cessent d’effectuer d’importantes découvertes à propos de la haute mer et des profondeurs marines dans les zones situées au-delà de toute juridiction nationale (ZADJN), ces régions éloignées qui permettent la vie dans l’ensemble de l’océan et qui abritent certaines des espèces océaniques les plus fascinantes et les plus précieuses au monde. Mais il devient de plus en plus important de protéger la biodiversité de ces écosystèmes, dont le bon état est menacé par des activités nouvelles ou émergentes.

Les activités en haute mer et leurs conséquences doivent être parfaitement comprises et soigneusement encadrées si l’on veut s’assurer qu’elles ne perturbent pas ce fragile environnement marin interconnecté. Pour ce faire, l’outil le plus important est l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE). Les EIE permettent aux législateurs d’identifier les effets potentiels des projets proposés, d’explorer des solutions alternatives et de déterminer les façons d’éviter, d’atténuer et de contrôler toute atteinte à l’environnement.

Grâce à la résolution no 69/292 de l’Assemblée générale des Nations Unies, les États se sont engagés à développer un « instrument international juridiquement contraignant [...] portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale1 ». Les négociations relatives à cet instrument aborderont toute une série de questions, y compris les EIE. L’ensemble des États ont non seulement intérêt, mais aussi l’obligation de s’assurer que ce nouvel instrument prévoie un cadre solide pour les EIE.

Qu’est-ce qu’une évaluation de l’impact sur l’environnement ?

Définie comme une procédure « ayant pour objet d’évaluer l’impact probable d’une activité proposée sur l’environnement2 », les EIE réunissent des scientifiques, des législateurs et d’autres acteurs, notamment de la société civile, pour identifier et éventuellement empêcher des activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement. Les EIE sont requises par le droit international : les États doivent « procéder à une évaluation de l’impact sur l’environnement lorsque l’activité [...] projetée risque d’avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée » comme la haute mer3.Cette exigence est renforcée par un certain nombre de traités et d’obligations, notamment par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui impose aux États d’évaluer les activités relevant de leur juridiction susceptibles d’entraîner « des modifications considérables et nuisibles du milieu marin et [de rendre] compte des résultats de ces évaluations4 ».

Recommandations pour réaliser des EIE efficaces dans les zones au-delà des juridictions nationales

En dépit de l’obligation des États de réaliser des évaluations d’impact conformément à la CNUDM et au droit international, aucun mécanisme mondial de coordination ne nécessite une EIE pour des activités dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale. Il n’existe par ailleurs aucune norme directrice ni aucun principe permettant d’évaluer les EIE. Enfin, aucune opportunité n’est prévue pour sensibiliser le public ou favoriser la prise d’engagements au sujet d’éventuelles menaces. En conséquence ne restent que des mesures fragmentées destinées à éviter les atteintes à l’environnement dans les ZADJN. Pratiquement aucune responsabilité ne peut être engagée lorsque de telles atteintes sont avérées.

Pour améliorer la gouvernance de l’océan, un nouvel accord sur la biodiversité en haute mer devrait :

  • Fixer les critères minimums d’une EIE : Tout cadre doit être suffisamment flexible pour couvrir un large éventail d’activités tout en identifiant les éléments essentiels à la mise en oeuvre d’une EIE réussie, comme l’ont montré des décennies de pratiques nationales et internationales. Ceux-ci pourraient inclure les composantes décrites dans les « Goals and Principles of Environmental Impact Assessment » (ou « Objectifs et principes de l’évaluation d’impact environnemental ») du Programme des Nations Unies pour l’environnement5 :
    • Une description de l’activité projetée ;
    • Une description de l’environnement susceptible d’être affecté, y compris des informations spécifiques sur les possibles impacts de l’activité projetée ;
    • Une évaluation des impacts environnementaux probables ou potentiels de l’activité projetée, ainsi que de leurs éventuelles alternatives, y compris les effets directs, indirects, cumulatifs, à court terme et à long terme ;
    • L’identification, la description et l’évaluation des mesures disponibles pour atténuer tout éventuel impact négatif identifié par l’EIE.
  • Désigner les activités nécessitant une EIE : Les États qui imposent des EIE pour des activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle doivent d’abord détecter les projets susceptibles d’avoir des conséquences négatives sur l’environnement marin. Étant donné que certaines activités sont dangereuses ou nuisibles par nature, les États peuvent faciliter la cohérence et la réciprocité entre eux et parmi les activités lors de la mise en oeuvre d’EIE, en imposant des EIE avant la réalisation de certaines catégories de projets en haute mer. Les désignations pourraient être reflétées dans une annexe afin de préserver la flexibilité de l’instrument global, comme proposé par la Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière6.
  • Exiger un suivi pour assurer la protection de l’environnement : Le droit international impose aux États de ne pas s’arrêter à la préparation des EIE et à la diffusion de leurs résultats. Ils doivent également assurer en permanence la surveillance et l’application de la législation afin de garantir que les activités soient conformes aux conditions générales de leur autorisation, d’évaluer les impacts et l’efficacité des mesures d’atténuation et, si nécessaire, de renforcer les EIE et les mesures d’atténuation à venir. Un tel suivi serait facilité par les obligations de rendre des comptes et par le processus d’examen de la mise en oeuvre décrits plus haut.

Principaux processus pour la réussite de l’examen des EIE dans les zones au-delà des juridictions nationales

Un système d’EIE ne pourra être efficace que s’il est soutenu par des dispositions solides garantissant le respect par tous les États, telles que décrites dans les présentes recommandations :

  • Transparence et participation du public : Les gouvernements peuvent avoir des ressources limitées pour mener et évaluer des EIE, en particulier dans les États en développement. L’une des meilleures façons de s’assurer qu’une EIE aborde tous les risques posés par un éventuel projet consiste à élargir l’évaluation au grand public. Sa diffusion sera nécessairement élargie aux membres de la communauté scientifique et de la société civile capables, si on leur en donne l’opportunité, d’apporter une variété de points de vue en tant que spécialistes, points de vue qui pourront ensuite être pris en compte dans toute décision relative à l’activité projetée. En particulier, ils pourront s’assurer que tous les impacts possibles et toutes les éventuelles activités alternatives susceptibles de se substituer raisonnablement au projet envisagé ont été considérés.
  • Communication des résultats de l’EIE : Bien que de nombreux États rendent publics les résultats des EIE menées en haute mer, seule une analyse État par État peut donner une image complète de l’ensemble des activités dans les ZADJN et de leurs impacts environnementaux cumulés. Les parties à un nouvel instrument pourraient renforcer la transparence et améliorer la gouvernance en établissant un bureau central d’information ou tout autre mécanisme de communication des résultats de leurs EIE.
  • Examen périodique de la mise en oeuvre : Les parties devront s’engager à des examens réguliers de leurs EIE afin de s’assurer que leur processus est satisfaisant et que toutes les obligations environnementales pertinentes sont pleinement intégrées dans les résultats de l’examen.
  • Règlement des différends : La responsabilité de la mise en oeuvre des EIE de haute mer incombera probablement à de nombreux États, ce qui renforcera l’importance des possibilités de recours entre les parties à l’instrument en cas de non-respect. Un mécanisme efficace de règlement des différends, bien adapté pour tenir compte des problèmes que risquent de soulever les activités projetées avant leur lancement, sera extrêmement utile pour éviter que des dégâts irréversibles ne soient causés à l’environnement marin. Les États devront être capables de faire appel à toutes les dispositions de règlement des différends prévues à la partie XV de la CNUDM, y compris un arbitrage exécutoire si nécessaire, lorsqu’une autre partie ne réalise pas d’EIE appropriée ou autorise une activité qui va à l’encontre de ses obligations en matière de protection de l’environnement marin. Il conviendra de proposer des mesures conservatoires, telles que prévues à l’article 290 de la CNUDM, pour permettre de réagir à une menace imminente de dommage grave à l’environnement marin.

Conclusion

L’évaluation des activités potentiellement préjudiciables en haute mer est nécessaire pour protéger la biodiversité, et l’EIE est un outil efficace pour identifier et éviter tout impact négatif sur l’environnement. Les États devront soutenir tous les éléments et toutes les caractéristiques mentionnés ci-dessus pour s’assurer qu’un cadre solide de réalisation d’EIE s’inscrive dans la durée sous la forme d’un nouvel instrument.

Notes

  1. Assemblée générale de l’ONU, résolution no 69/292, « Élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale », 19 juin 2015, http://www.un.org/fr/ga/69/resolutions.shtml.
  2. Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, Espoo, Finlande, 25 févr. 1991, 30 ILM 802, entrée en vigueur le 14 janv. 1998.
  3. Argentine c. Uruguay (Cour internationale de Justice, 2010).
  4. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 déc. 1982, 21 ILM 1261, art. 206, entrée en vigueur le 16 nov. 1984.
  5. Assemblée générale de l’ONU, résolution no 42/184, « Coopération internationale dans le domaine de l’environnement », 11 déc. 1987, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/42/184.
  6. Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement.