Alors que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) négocie des règles visant à restreindre les subventions néfastes que les gouvernements accordent au secteur de la pêche, The Pew Charitable Trusts et des scientifiques de renom ont mis au point un outil de modélisation pour analyser les effets potentiels des propositions en question.
Cet outil montre qu’un accord ambitieux de l’OMC visant à éliminer l’ensemble des subventions néfastes dans le monde entier pourrait entraîner une augmentation de 12,5 % de la biomasse halieutique mondiale d’ici 2050. Cela correspond à près de 35 millions de tonnes de poisson, soit quatre fois la consommation de poisson en Amérique du Nord en 2017.
Dans le monde, les gouvernements accordent annuellement un total de 22 milliards de dollars de subventions néfastes au secteur de la pêche. À court terme, ces fonds peuvent donner l’impression d’apporter un soutien aux pêcheurs et de renforcer la sécurité alimentaire, mais les subventions néfastes (notamment celles destinées au carburant et à la construction de navires) encouragent l’augmentation de la capacité et de l’effort de pêche, et permettent ainsi aux pêcheurs de capturer davantage de poissons, même lorsque les stocks sont sous pression. Ensuite, lorsque les populations de poissons diminuent, les pêcheurs ont besoin de plus de subventions pour maintenir leurs niveaux de captures, ce qui entraîne une surpêche supplémentaire qui met en péril les écosystèmes océaniques et le bien-être des personnes qui dépendent d’une pêche durable et d’un environnement marin sain.
Il existe heureusement un moyen de rompre ce cercle vicieux. Les membres de l’OMC pourraient convenir d’éliminer les subventions à la pêche néfastes et de soutenir leurs communautés de pêcheurs de manière à ne pas compromettre la durabilité des populations de poissons et de la pêche.
Pour élaborer un accord qui restreigne les subventions à la pêche néfastes de manière significative, les membres de l’OMC doivent pleinement comprendre les avantages à long terme des différentes options politiques envisagées. D’autres parties prenantes, comme les associations environnementales, ont également besoin d’informations pour faire pression auprès des membres de l’OMC en faveur de la solution la plus ambitieuse. Pour contribuer à répondre à ces besoins, des scientifiques de l’Université de Californie à Santa Barbara ont créé SubsidyExplorer, un outil en ligne gratuit qui modélise les effets que différents niveaux de réduction des subventions pourraient avoir sur la pêche dans le monde. Cet outil financé par The Pew Charitable Trusts repose sur des données biologiques et économiques pour l’année 2018 (l’année la plus récente pour laquelle des informations exhaustives étaient disponibles), qui sont accessibles au public, et a fait l’objet d’un examen par des économistes indépendants.
L’outil fournit d’abord des estimations des subventions pour chaque nation pratiquant la pêche, lesquelles ont été compilées par Rashid Sumaila et une équipe de chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique. À l’aide de données satellitaires récoltées par l’organisme à but non lucratif Global Fishing Watch, l’outil estime les paiements versés à chaque navire de pêche en fonction de son pays d’immatriculation, de sa taille et du temps passé à pêcher. L’outil emploie ensuite un modèle qui conjugue des facteurs biologiques et économiques pour prédire la manière dont un navire modifierait son activité si certaines (ou toutes) ses subventions étaient supprimées, et l’impact que ces changements de pression exercée par la pêche auraient sur les populations de poissons. Il comprend une liste de politiques de réduction des subventions et permet aux utilisateurs de sélectionner une ou plusieurs politiques pour savoir dans quelle mesure les différentes combinaisons pourraient influer sur la pression exercée par la pêche et la taille des populations de poissons.
L’outil montre qu’un accord ambitieux visant à supprimer l’ensemble des subventions à la pêche néfastes dans le monde pourrait entraîner des augmentations totales de 12,5 % de la biomasse halieutique et de 3,5 % des captures d’ici 2050.
Les différents pays ont la possibilité, au travers d’un accord de l’OMC mettant fin à ces subventions destructrices, d’améliorer la santé de l’océan et les moyens de subsistance des pêcheurs. Après des décennies de débats, il est temps de conclure un accord solide sur les subventions à la pêche. Ces résultats confirment que l’OMC peut contribuer à améliorer la santé de l’océan et les moyens de subsistance des pêcheurs.
Pour utiliser l’outil, rendez-vous sur www.subsidyexplorer.org.
Remarques concernant l’étude