L'Union Européenne, ou UE, paie 75 % des frais d'accès des navires européens pour pêcher dans les eaux des pays en voie de développement en Afrique et dans le Pacifique Sud, selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université de Colombie-Britannique.
L'industrie paie les 25 % restants, mais ceci ne représente qu'environ 2 pourcent du revenu tiré de la vente de la pêche. Les subventions de l'UE fournissent de fortes incitations pour la surpêche, selon l'étude, publiée le dans le journal PLOS ONE.
« Les subventions couvrent souvent le coût du carburant ou des engins, mais dans ce cas, le gouvernement européen couvre aussi une grande partie des frais d'accès », dit Frédéric Le Manach, l'auteur principal de l'étude et un expert de la pêche avec le Projet Sea Around Us au Fisheries Centre (centre des pêches) de l'Université de Colombie-Britannique (UBC) à Vancouver. « Comme les flottes de pêche ne paient pas l'intégralité des frais d'accès, un plus grand profit permet d'investir dans des navires plus efficaces. Ceci peut entraîner la surexploitation des populations de thon et des autres ressources maritimes déjà vulnérables des pays en voie de développement. »
Dans cette étude, financée par The Pew Charitable Trusts, les chercheurs de l'UBC ont analysé les accords signés entre l'UE et les pays en voie de développement entre 1980 et 2012, afin de pouvoir accéder à leurs eaux. Ces accords comprennent des frais allants grosso modo de 400 000 € à 230 millions d'euros par an et par pays (environ entre 470 000 USD et 305 millions USD au taux de change en vigueur aujourd'hui). Le contenu de ces accords montre que le gouvernement de l'UE a payé un total d'environ 5 milliards d'euros pour les frais d'accès au cours de cette période. Pour comparer les frais de l'industrie à ses revenus de pêche, les chercheurs ont utilisé les données des accords et une base de données mondiale sur les prix du poisson. De tels calculs n'ont été possibles que pour les accords concernant le thon, car les autres accords ne contenaient généralement pas de données concernant le niveau de capture autorisé des navires européens.
L'étude a ainsi trouvé que l'industrie de la pêche paie environ un quart du coût d'accès. En considérant que cette proportion est valide pour tous les accords, ceci revient à un montant d'environ 1,7 milliard d'euros sur une période de 33 ans. Néanmoins, le revenu de la pêche dans ces eaux totalisait environ 96 milliards d'euros, et par conséquent, les frais payés par l'industrie ne représentaient qu'environ 2 pourcent de son revenu total (1,5 pour cent pour le thon et 3,2 pourcent pour les autres espèces),
« L'UE a le potentiel de devenir le leader mondial de la pêche durable », commente Daniel Pauly, directeur de recherche du Projet Sea Around Us et co-auteur de l'étude. « En l'état actuel des choses, ces accords d'accès sont toutefois subventionnés de manière désavantageuse pour les pays en voie de développement, ce qui contredit les objectifs mêmes de développement de l'UE en obligeant ses citoyens à payer deux fois le poisson qu'ils prennent de l'assiette des pays en voie de développement. »
Les auteurs suggèrent que les pays d'accueil de ces accords s'inspirent des nations du Pacifique, qui ont dernièrement commencé à demander des frais d'accès à leurs eaux plus élevés (jusqu'à 50 pourcent de plus que la moyenne mondiale dans le cas de Kirabati). Ils pointent également du doigt qu'un représentant de la flotte thonière française a récemment reconnu que les frais payés par l'industrie sont faibles et qu'il serait raisonnable de les augmenter aux alentours de 7 pourcent de la valeur du poisson débarqué.