Les eaux de la Polynésie française, territoire français d'outre-mer situé dans l'océan Pacifique Sud, constituent la plus grande zone économique exclusive (ZEE) contiguë au monde. Ces eaux renferment une grande diversité de monts sous-marins, des montagnes souvent spectaculaires qui s'élèvent du fond océanique. Bien qu'occupant depuis des siècles une place importante dans la culture polynésienne, bon nombre de ces monts sous-marins restaient jusqu'à présent largement méconnus des scientifiques.
Avec le soutien du projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli, quatre étudiants de l'École polytechnique ont établi le premier aperçu détaillé de ces formations géographiques et de leur importance biologique. Le rapport résume les connaissances existantes sur les monts sous-marins, obtenues auprès des pêcheurs, des experts locaux, des organismes de recherche et des scientifiques internationaux, et fournit un cadre essentiel à la protection future de ces formations sous-marines.
L'étude a permis d'identifier plus de 500 monts sous-marins dans l'ensemble de la ZEE de la Polynésie française, dont le sommet se situe entre la surface de l'océan et une profondeur de 3 000 mètres. Formés par l'activité volcanique, les pics et les versants de ces montagnes abritent une vie marine très riche, notamment des poissons des profondeurs et des mérous, et attirent de grands mammifères marins, et des prédateurs pélagiques comme le thon et le requin. La géographie unique des monts sous-marins favorise la diversité biologique : les courants créent des concentrations élevées de plancton au-dessus des monts sous-marins en charriant les nutriments des eaux plus profondes, tandis que les chaînes de montagnes attirent des espèces très mobiles comme le thon, qui forment des bancs plus importants autour des sommets qu'en haute mer. Pour ces espèces, ces formations géologiques peuvent servir de zone d'alimentation ou de croissance, de halte ou encore de refuge contre les prédateurs.
La richesse des monts sous-marins, aussi bien biologique que minérale, a attiré la pêche hauturière, des activités industrielles et, plus récemment, des initiatives de conservation. En vue de préserver ces endroits remarquables, le gouvernement de la Polynésie française s'est engagé à protéger les monts sous-marins d'ici 2021 ou 2022, et indique dans son plan de gestion « Ces écosystèmes particuliers doivent être protégés. Toutes les activités minières doivent y être interdites et la pêche restreinte ».
Les négociations pour la définition de ce zonage devront faire intervenir différentes parties prenantes, dont les pêcheurs, les associations locales et la population de la Polynésie française, afin de délimiter les espaces protégés. En juin, le Conseil des ministres de la Polynésie française a également annoncé son intention d'obtenir la désignation en réserve de biosphère de l'UNESCO pour les îles Australes d'ici 2023. Si elles aboutissent, ces initiatives de conservation pourraient préserver la richesse biologique et l'intérêt culturel des eaux de la Polynésie française pour les générations futures.
Les connaissances scientifiques relatives aux monts sous-marins de la Polynésie française sont aujourd'hui encore parcellaires. Chacun d'entre eux abrite un écosystème unique résultant de la topographie, la profondeur, la latitude et l'hydrodynamique qui entourent chaque formation sous-marine. Bien que les données satellites et les progrès réalisés en matière de traitement numérique aident les scientifiques à mieux comprendre ce qui se passe autour des monts sous-marins, près de la surface océanique, d'autres recherches sont nécessaires pour découvrir leur importance écologique sur toute la colonne d'eau.
Le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli vise à faire avancer la recherche scientifique sur les eaux riches et diversifiées de la Polynésie française. Il est mené en étroite collaboration avec les administrations, les scientifiques et les communautés locales afin d'élaborer des mesures de protection des océans compatibles avec la culture polynésienne et les valeurs locales.
Jérôme Petit dirige le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Polynésie française et Donatien Tanret en est le chargé de mission.