Un océan en bonne santé est essentiel pour toute vie sur terre. Ce lien est particulièrement évident dans les îles, où les communautés insulaires et côtières ont noué un lien étroit avec l’océan dont elles dépendent. Mais comme partout dans le monde, l'environnement marin des îles Pacifiques est menacé par la destruction des habitats, la surpêche, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, le changement climatique, l'acidification des océans, les déchets marins et l’urbanisation côtière.
Pour lutter contre ces menaces, la Polynésie française pourrait bientôt suivre l'exemple de plusieurs pays qui ont créé de vastes aires marines protégées (AMP), un mécanisme dont l'efficacité pour la restauration de la santé de l'océan est démontrée. Jamais autant d'aires marines protégées n'ont été créées qu'au cours des cinq dernières années. Le Chili, le Mexique, le Royaume-Uni et les États-Unis font ainsi partie des pays à la tête d'une initiative ambitieuse de conservation, qui a abouti à la protection de plusieurs millions de kilomètres carrés d'océan.
Les eaux des îles Marquises en Polynésie française, pourraient bientôt bénéficier d'une protection similaire. En juin dernier, la Communauté de Communes des Îles Marquises (CODIM) a officiellement proposé au gouvernement de la Polynésie française de créer une AMP de 430 000 km2 interdisant la pêche commerciale et industrielle, l'exploitation minière et toute autre activité d'extraction d'envergure ; la pêche artisanale réalisée par des bateaux de moins de 12 mètres de long resterait néanmoins autorisée dans un rayon de 50 miles nautiques autour des îles. Cette proposition permettrait à la pêche palangrière du thon de se poursuivre en dehors de l'aire protégée.
Les îles Marquises, qui forment un des cinq archipels de la Polynésie française, abritent plus de 550 espèces de poissons, dont 26 espèces de requins et de raies, 35 espèces de coraux et 12% des espèces de poissons endémiques. L'archipel constitue par ailleurs un important lieu de reproduction pour le thon obèse, une espèce vulnérable selon la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Ces eaux revêtent une importance culturelle importante et occupent une place à part pour les Marquisiens, engagés depuis longtemps dans la protection de leur environnement. Cette proposition d'AMP repose sur plusieurs études scientifiques et culturelles réalisées par les services de la Polynésie française et de l’Etat français. Récemment, la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE), une organisation polynésienne à but non lucratif qui œuvre pour la protection de l'environnement marin de la Polynésie française, a apporté son assistance avec le soutien du Projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli. La CODIM a baptisé cette aire marine Te Tai Nui a Hau, le « grand océan de paix » en marquisien.
Appuyée par la communauté insulaire locale, les maires marquisiens soutiennent la création d'une vaste AMP au sein des îles Marquises depuis 2012. Le président de la Polynésie française Édouard Fritch s'est engagé en 2016 à créer une aire marine gérée pour toutes les eaux polynésiennes, pour préserver le patrimoine naturel marin et développer une exploitation durable des ressources halieutiques. En officialisant la création de l'AMP des Marquises au sein de cette aire gérée, le gouvernement ferait un pas notable vers la mise en œuvre de cet engagement.
Le Projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli travaille avec les maires et communautés de la Polynésie française, les pêcheurs, les scientifiques et des organisations environnementales pour aider les habitants de l'archipel à préserver les ressources naturelles dont ils dépendent.
JérômePetit est le directeur du projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli en Polynésie française et Donatien Tanret est un chargé de mission de ce projet.