Lors de la conférence organisée par Pew il y a quelques mois, Karmenu Vella, le Commissaire européen aux Affaires maritimes et à la Pêche, a livré un vibrant plaidoyer en faveur des pêcheries durables. Dans son discours de clôture, il a souligné que « la fin de la surpêche était souhaitable d'un point de vue environnemental, social et économique » avant de conclure que « la question n'est plus de savoir si nous pouvons nous permettre d'agir, mais plutôt si nous pouvons nous permettre de ne rien faire ».
Nous saluons l’engagement du Commissaire face à l’urgence de la situation et espérons que la Commission européenne en tiendra compte lors de la fixation des limites de capture pour 2019, processus qui débute chaque année par la publication au cours de l'été d'une « communication » de la Commission sur les possibilités de pêche. Comme nous l'avions indiqué dans notr analyse de février, les ministres de la Pêche ont réalisé des avancées significatives lors de la définition des limites de 2018, en se rapprochant des recommandations scientifiques. Pour la première fois depuis la réforme de 2013 de la Politique commune de la pêche (PCP), le Conseil a fixé la majorité des limites de capture conformément aux avis scientifiques. Cette victoire a été obtenue après d'intenses négociations qui ont duré deux jours et deux nuits et au cours desquelles le Commissaire Vella a dû rappeler aux ministres leur engagement envers la PCP.
Cela dit, 44% des limites de capture ont tout de même été fixées à des niveaux supérieurs aux recommandations scientifiques publiées, sans qu’aucune information vienne justifier ces décisions. Dans son dernier rapport sur la mise en œuvre de la PCP, la Commission a elle-même souligné la persistance de la surpêche. En 2016, dernière année étudiée dans ce rapport, au moins 41% des stocks étaient encore en situation de surpêche. Alors qu’il ne reste plus que 2 ans avant la date butoir fixée par la PCP pour mettre un terme à la surpêche, les ministres ont encore du pain sur la planche.
Pour autant, les progrès rapides réalisés dans la prise de décisions nous donnent des raisons d'être optimistes. Comme l'a expliqué le Commissaire Vella, les ministres de la Pêche, qui ont le pouvoir de mettre fin à la surpêche, comprennent de mieux en mieux l'urgence à agir. Peut-on désormais espérer des progrès rapides ?
Rien n'est moins sûr. En effet, 2018 constitue une année pivot pour la gestion des pêcheries européennes : il s'agira de la dernière participation du Commissaire Vella aux décisions relatives aux limites de capture, car son mandat arrive à terme. Par ailleurs, le Conseil Agriculture et Pêche fixera les limites de capture des stocks en eau profonde pour 2019 et 2020. Enfin, les législateurs de l'Union européenne devront adopter les mesures finales de mise en œuvre de l'obligation de débarquement prévue par la PCP.
Un rapport récent montre que les différentes régions du monde évoluent vers une pêche durable à des rythmes très variables. La surpêche en Méditerranée est ainsi bien plus importante que dans l'Atlantique Nord-Est. En Europe du Nord, certaines régions respectent mieux que d'autres les recommandations scientifiques lors de la fixation des limites de capture. Nous espérons que les décisions prises en 2018 réduiront ces écarts et que les pêcheries européennes seront gérées conformément aux recommandations scientifiques.
Les plans pluriannuels régionaux visent à s'assurer que chaque région (à l’échelle européenne des bassins) respecte les exigences de la PCP. Malheureusement, les plans convenus jusqu'ici pour la mer du Nord et la mer Baltique, ainsi que la dernière proposition de la Commission pour les eaux occidentales, sont bien loin de répondre à cette ambition. Il ne s'agit en effet que de simples transpositions peu adaptées aux régions, et qui prévoient bien souvent des limites de pêche supérieures aux limites légales. Dans ces conditions, ces plans ne permettront pas d'atteindre les objectifs de la PCP. De plus, ils sont source de confusion pour les scientifiques dans la mesure où les décideurs politiques demandent à ces derniers de mesurer les progrès accomplis par rapport à une référence tout en formulant des recommandations basées sur une autre.
Cette dilution systématique des ambitions affichées par la réforme de 2013 est inquiétante. Il est donc plus important que jamais pour les décideurs politiques d'expliquer de manière transparente en quoi leurs décisions, associées aux recommandations scientifiques, permettront d'atteindre les objectifs de l'Union européenne. L'urgence d'éradiquer la surpêche n'a jamais été aussi grande et les décisions de cette année détermineront si l'Union européenne parviendra ou non à respecter l'échéance de 2020. Nous allons suivre de près les résultats des réunions du Conseil qui auront lieu en octobre, novembre et décembre, et invitons vivement les ministres à suivre les avis scientifiques pour que l'Union européenne puisse rapidement profiter des avantages environnementaux, sociaux et économiques induits par la fin de la surpêche.
Andrew Clayton dirige la campagne de The Pew Charitable Trusts pour mettre fin à la surpêche en Europe du Nord-Ouest.